L'indignité

Le  29 Juin dernier, la Cour d'Appel de Paris a rendu un avis défavorable à l'extradition vers l'Italie des militants italiens d'extrême gauche réfugiés en France depuis les années 80.  Mitterrand leur avait  donné l'asile à la condition qu'ils renoncent à la lutte armée. Ces hommes et ces femmes ont tenu parole, mené des vies discrètes, et la France a jusqu'ici respecté  ses engagements de ne pas les livrer à Rome qui n'a jamais cessé de les réclamer pour les juger. Or, le 4 juillet, six jours après la décision  de la Cour d'Appel, le procureur général du parquet se pourvoit contre celle-ci en cassation. C'est clairement une intervention politique, Emmanuel Macron ayant affirmé son désir que ces militants soient extradés et jugés en Italie.  Ils sont dix, ils ont entre 61 et 78 ans, trois d'entre eux ont des enfants et des petits-enfants, ils n'ont jamais fait parler d'eux en bientôt quarante ans. Extradés, ils vont à coup sûr finir leur vie en prison. Il y a ici un déni révoltant  d'humanité  et un autre déni : celui d'une justice qui doit tenir compte du temps et de ce qu'il accomplit dans les individus. Il faut s'opposer  à une  extradition indigne à tous points de vue et demander à l'Etat français de revenir sur son pourvoi en cassation.

Annie Ernaux