En contestant à 10 réfugiés italiens le droit de poursuivre, sur notre sol, une existence pacifique et socialement intégrée, le chef de l'État choisissait l'an dernier de rallumer une querelle vieille de quarante ans.

Un an plus tard, la chambre d’instruction de la Cour d’appel de Paris, en refusant ces extraditions, offrait une occasion de mettre un terme à cette affaire. La référence aux principes fondamentaux du droit énoncés par la Convention européenne des droits de l’Homme permettait de clore ce débat à moindre frais.

C'est la voie inverse qu'a choisi le Parquet. En faisant appel devant la Cour de Cassation, il opte pour l'acharnement judiciaire et donc politique.

Je ne suis pas juriste, je n'ai pas compétence à juger les faits, je tente seulement de regarder cette affaire en conscience. Et sans préjuger des responsabilités des uns ou des autres, il me semble que quarante ans est un délai assez correct pour.... appelez cela comme vous voudrez : prescription, amnistie, apaisement, réconciliation. Je choisis de l'appeler "paix sociale".

Notre société traverse aujourd'hui une période hautement inflammable : les profondes tensions sociales qui la traversent, les défis gigantesques auxquels elle va devoir faire face, les profondes inégalités de patrimoine qui la fracturent, l'essoufflement d'un régime permettant l'accession à la notabilité parlementaire de l'extrême droite... Tout montre qu'aujourd'hui, plus que jamais, notre pays a besoin de paix sociale et de concorde.

Les politiques s'honoreraient aujourd'hui d'agir pour que ces réfugiés italiens restent sur notre territoire en leur confirmant le bénéfice de "la doctrine Mitterrand" qui n'est rien d'autre que la parole de l'État et en refusant de les livrer à une justice dont la Cour d'Appel a souligné le caractère arbitraire.

 

Pierre Lemaitre