Il existe deux types de justice. Une justice d’Ancien régime, où la règle est le marquage au fer, l’animosité éternelle, ce que Victor Hugo incarne en termes romanesques dans le personnage de Javert, qui pourchasse les condamnés sans trêve. Cette perpétuité s’appelle la vendetta, le talion, le châtiment. 

Mais, depuis la Révolution française, depuis cette âpre lutte pour l’émancipation, il existe une autre conception, moderne, séculière, démocratique, qui s’arrime à une autre idée de l’homme. Les circonstances, la vie sociale, les individus changent, on ne saurait donc envisager la peine comme une condamnation irrévocable, comme une damnation.

La douleur des victimes est certes incontestable. Mais le temps passe ; et le droit, la vie sociale, exigent une part d’oubli, d’amnistie, de prescription. Il faut que les politiciens cessent d’attiser d’anciens conflits, cela envenime la vie sociale. L’État doit au contraire apaiser. Les condamnations judiciaires ne peuvent frapper les hommes éternellement, sans quoi aucune rémission ne serait possible, et les peines revêtiraient une sorte de caractère sacré qu’elles n’ont pas. Il est temps que les États oublient les réfugiés italiens. 

Eric Vuillard